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21/08/2024

ANALYSE : Introduction à la notion de Sud Global Par A. Laalioui


 

Depuis le déclenchement de la guerre sur l’Ukraine, la notion de sud global est devenue surmédiatisée.  La Russie, dans sa quête de se prémunir de la levée de boucliers de l’ «Occident global »a appelé de ses vœux à la matérialisation, sinon de fait, du moins sur le plan conceptuel de la notion de « Sud global ». Faute de blocs réels, ou d’idéologies distinctes, ce Sud, serait, dans la confrontation supposée entre le bloc occidental et le reste du monde, un mur dressé face à l’ « hégémonie » et face à l’ « impérialisme » de naguère. Lire plus

Le Sud global est un ensemble géopolitique qui recouvre l’ensemble des États qui ne relèvent pas de l’ancien bloc occidental formé pendant la guerre froide, ni de l’Union européenne. Les contours suivent grossièrement ceux des « Suds » identifiés par Willy Brandt en 1980, auxquels s’ajoutent les États affaiblis par l’écroulement du et bloc de l’Est et la transition brutale vers l’économie de marché. Au cas par cas, certains États dits du « Sud » s’affichent comme n’appartenant pas au Sud global, par exemple la Turquie (Capdepuy, 2023), qui se considère avant tout comme membre de l’Alliance atlantique. Au sein du « Sud global » se détache particulièrement un quatuor de puissances émergentes ou émergées, les BRICS, qui se  afont volontiers les porte-étendards de l’ensemble, non sans veiller au passage à la préservation de leurs intérêts stratégiques.

L’expression elle-même « Sud global », de l’anglais Global South, dont Vincent Capdepuy a retracé la genèse (ibid.), n’est employée que de façon peu significative avant la fin de la guerre froide. Elle devient alors de plus en plus fréquente sous la plume des spécialistes des auteurs, et apparaît pour la première fois dans un titre d’ouvrage en 1999, dans un livre consacré aux questions environnementales (Peritore, 1999). Son usage est sorti des cercles universitaires avec la guerre en Ukraine déclenchée en 2022 et le « non-alignement » d’une partie des membres de l’ONU sur la résolution de prendre des sanctions contre l’agresseur russe.

 

Loin d’être un ensemble homogène, le Sud global est surtout l’expression d’une distance de plus en plus grande entre les pays émergents et la superpuissance américaine et ses alliés. Il ne s’agit pas tant de la rejeter en bloc que de puiser ailleurs d’autres modèles complémentaires, dans une logique de multi-alignement (ibid.), d’autant que beaucoup de puissances émergentes du Sud global peuvent difficilement prétendre offrir un modèle tant qu’elles ne régleront pas la question des droits humains, de la corruption et de la démocratie.

 

Le « Sud global » est finalement l’expression d’un fonctionnement toujours plus multipolaire de l’ordre mondial dans lequel les États-Unis ne sont plus qu’un modèle parmi d’autres, et où chaque État peut nouer des partenariats avec les autres de façon multilatérale, en s’affranchissant des logiques d’alliance traditionnelles.

Chronologiquement, on constate que la notion de Global South a connu un usage croissant depuis une trentaine d’années environ, soit depuis la fin de la Guerre froide. Avant 1990, les occurrences sont rares et non significatives [1], et la fondation en 1992 d’un Center for Global South à l’American University School of International Service apparaît révélatrice d’un emploi nouveau, sans qu’on puisse pour autant identifier une production intellectuelle majeure émanant de ce centre. À la fin de la décennie, en 1999, le livre de N. Patrick Peritore, Third World Environmentalism : Case Studies from the Global South, est un des premiers, sinon le premier, à inclure l’expression dans son titre.

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