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09/09/2024

CRYPTOMONNAIE : Cryptomonnaie vs institutions ; quelles perspectives- Par G. Paranton

 

 Les institutions financières mondiales sont préoccupées par le succès croissant des cryptomonnaies comme le Bitcoin, qui a atteint 60 000 dollars en mars 2021 ( Valeur 9 septembre 2024, 55299,42 USD) . Les cryptomonnaies, soutenues par la technologie blockchain, créent des systèmes monétaires parallèles et indépendants des systèmes étatiques et bancaires traditionnels. Leur adoption s'étend des particuliers aux grands investisseurs à telle enseigne que le Bitcoin est perçu comme la future devise de l'internet.

Il existe deux catégories principales de monnaies numériques.

Les cryptomonnaies de type Bitcoin : Représentations numériques de valeur non émises par des banques centrales, mais acceptées comme moyen d'échange.

Les jetons (Tokens) : Instruments financiers numériques représentant des droits, pouvant être émis et transférés via des dispositifs électroniques partagés. Lire plus

Les cryptomonnaies, comme le Bitcoin, sont très volatiles et ne sont pas adossées à une activité réelle ou garantie légale, augmentant les risques pour les investisseurs. L'anonymat des transactions et l'absence de régulation compliquent la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La régulation des  cryptomonnaies est quasi inexistante, ce qui pose un problème pour la sécurité des transactions et des investissements, et crée un manque de protection en cas de vol ou de fraude.

Pour répondre à ces défis, les banques centrales envisagent de créer leurs propres monnaies numériques régulées, comme la Chine avec son stablecoin visant à remplacer le Yuan. La Banque de France, par exemple, a souligné les dangers associés aux cryptomonnaies non régulées, notamment la faible convertibilité en devises légales et l'absence de garanties pour les investisseurs. La Banque Centrale des États-Unis, quant à elle, n'est pas pressée de développer un dollar numérique, se fiant à la prédominance actuelle du dollar comme monnaie de réserve mondiale.

La régulation des cryptomonnaies est un sujet controversé. Les défenseurs de la liberté financière, tels que Coinbase et l'Electronic Frontier Foundation, critiquent les tentatives de régulation, arguant qu'elles menacent la vie privée et augmentent la surveillance financière. Néanmoins, la régulation est vue par la majorité des autorités comme nécessaire pour protéger les marchés et les investisseurs, et pour maintenir la confiance dans le système financier global.

Les cryptomonnaies représentent un défi majeur pour les régulateurs financiers, les banques centrales et les systèmes monétaires traditionnels. Bien qu'elles offrent des avantages potentiels en termes d'innovation et d'inclusion financière, elles posent également des risques significatifs en raison de leur volatilité, de l'absence de régulation, et de leur potentiel d'usage illicite. Pour surmonter ces défis, la tendance dominante est d'encadrer ces actifs numériques par des régulations adaptées, tout en explorant des solutions comme les monnaies digitales de banques centrales pour préserver la confiance et la stabilité du système financier.

L'analyse du processus de rejet et d'insertion des cryptomonnaies au Maroc, ainsi que l'évaluation de la position des autorités financières marocaines, nécessite une approche multifacette qui prend en compte les aspects économiques, financiers, réglementaires, technologiques et sociétaux.

Depuis 2017, les autorités marocaines, notamment l'Office des Changes, Bank Al-Maghrib (la banque centrale), et l'Autorité Marocaine des Marchés des Capitaux (AMMC), ont interdit l'utilisation des cryptomonnaies. Cette interdiction est motivée par plusieurs préoccupations, notamment :

L’instabilité des prix : Les cryptomonnaies sont connues pour leur volatilité élevée, ce qui les rend risquées pour les investisseurs et les utilisateurs ordinaires.

Les risques liés au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. En raison de l'anonymat des transactions en cryptomonnaies, les autorités craignent que celles-ci puissent être utilisées à des fins illégales.

L’absence de protection des consommateurs. Les transactions en cryptomonnaies ne bénéficient pas de la protection des consommateurs offerte par les systèmes financiers traditionnels, exposant les utilisateurs à des pertes potentielles.

L’absence de contrôle monétaire. L'utilisation des cryptomonnaies pourrait compliquer la gestion de la politique monétaire et nuire à la souveraineté monétaire du pays.

Malgré les préoccupations des autorités, il existe plusieurs arguments en faveur de l'adoption des cryptomonnaies au Maroc :

L’inclusion financière. Les cryptomonnaies pourraient jouer un rôle clé dans l'inclusion financière, en particulier dans les zones rurales et parmi les populations non bancarisées, en offrant un accès facile aux services financiers.

La facilitation des paiements internationaux. Les cryptomonnaies permettent des transferts d'argent rapides et à faible coût, ce qui pourrait être bénéfique pour les Marocains résidant à l'étranger et les petites entreprises engagées dans le commerce international.

La stimulation de l'innovation et de la technologie blockchain. L'adoption des cryptomonnaies pourrait encourager l'innovation dans le secteur technologique et attirer des investissements dans les technologies blockchain, qui ont des applications au-delà des cryptomonnaies, comme dans la logistique, la finance, et la gestion de la chaîne d'approvisionnement.

Le potentiel économique. En réglementant et en intégrant les cryptomonnaies, le Maroc pourrait devenir un hub régional pour les technologies financières, attirant ainsi des talents et des investissements.

La position des autorités marocaines, qui est principalement un rejet des cryptomonnaies, peut être évaluée de manière nuancée. Les préoccupations soulevées par les autorités sont légitimes et alignées sur celles d'autres régulateurs à l'échelle mondiale. La volatilité, le risque de blanchiment d'argent et les menaces à la stabilité financière sont des défis majeurs qui ne peuvent être ignorés.

Cependant, le rejet complet sans offrir de cadre régulatoire alternatif peut être considéré comme une approche défensive qui limite les opportunités d'innovation et d'adaptation aux évolutions technologiques. D'autres pays, tels que les Émirats Arabes Unis ou Singapour, ont mis en place des régulations permettant une utilisation encadrée des cryptomonnaies, équilibrant ainsi innovation et sécurité.

Le Maroc lutte contre un taux élevé de non-bancarisation. Les cryptomonnaies et la technologie blockchain pourraient offrir des solutions novatrices pour intégrer financièrement une plus grande partie de la population.

L'interdiction totale peut encourager l'émergence d'un marché noir des cryptomonnaies, rendant les transactions encore moins traçables et plus risquées pour les utilisateurs.

Pour une approche équilibrée, les autorités marocaines pourraient encourager une approche plus volontariste. Plutôt que de rejeter totalement les cryptomonnaies, le Maroc pourrait mettre en place une régulation qui encadre leur utilisation, exigeant par exemple une identification stricte des utilisateurs et des mesures contre le blanchiment d'argent. Les autorités financières pourraient créer des bacs à sable réglementaires ("regulatory sandboxes") pour tester l'utilisation des cryptomonnaies et des technologies associées dans un environnement contrôlé pourrait permettre d'observer les avantages et les risques sans exposer l'économie entière. L’État pourrait avoir à gagner en investissant dans la formation des citoyens sur les cryptomonnaies et les risques associés, ce qui pourrait réduire les incidents de fraude et d'utilisation abusive.

 Le Maroc pourrait, en outre,  collaborer avec d'autres pays pour développer des normes communes et partager des expériences sur la régulation des cryptomonnaies.

La position des autorités marocaines sur les cryptomonnaies, bien que prudente et axée sur la protection des consommateurs et la stabilité économique, pourrait bénéficier d'une approche plus nuancée. En adoptant un cadre réglementaire qui permet une utilisation contrôlée des cryptomonnaies, le Maroc pourrait non seulement se protéger contre les risques associés mais aussi exploiter les opportunités offertes par ces nouvelles technologies pour stimuler l'innovation et l'inclusion financière.

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